Marie a écrit:
Citation:
Hum, très belle analyse tonnerre de brest. Rien à redire. Sauf que ...
Merci
! Mais voyons donc ce "sauf que..."
Citation:
A part que pour moi, la mort d'Ana-Lucia n'est pas une erreur gravissime. C'est un choix scénaristique fort, décidé en toute conscience que les fans risquent d'être gravement déçu d'un tel choix. Ils ont pris des risques, et pour ça, je dis bravo... C'est vrai! Après tout, il y a beaucoup de séries qui stagnent parce qu'elles ne veulent pas supprimer un personnage à peu près apprécié...
Je ne nie pas le courage des scénaristes, qui ont en effet opéré une prise de risque importante. Je préfère les séries qui bousculent plutôt que les séries qui ne prennent aucun risque pour des raisons commerciales, ou par un manque d'inventivité confortable.
Ceci dit, ils n'ont pas inventé la poudre, puisque d'autres séries ont déjà fait ça en leur temps (Je me rappelle d'un épisode d'Ally McBeal qui m'avait rendu malade, mais il y a aussi X-Files, NYPD Blue, La Crim' en France, et bien d'autres...).
Je pense seulement que le personnage d'Ana-Lucia possédait un fort potentiel structurant pour la série, et qu'en quelque sorte son personnage a été plus "gâché" que sacrifié.
Dans les flash-backs, c'est une victime devenue coupable, la meurtrière la plus inquiétante, d'ailleurs, dans son sang-froid. Sur l'île elle est d'abord victime du harcèlement des Autres, avant de redevenir une meurtrière involontaire. Le parrallèle était confondant et méritait d'être creusé, puisque finalement l'île lui ouvre aussi la voie de la rédemption, qui se manifeste ici dans son incapacité à exécuter Gale. c'est dans ce sens que je trouve le personnage dense, ce n'est pas une préférence "physique" ou "comportementale", comme on peut adorer ou détester Kate pour des raisons qui ne sont pas d'ordre dramaturgiques (je prends Kate au hasard).
A mon sens, dramaturgiquement, dans le sens de la série, son personnage méritait d'être fouillé à plus long terme.
Citation:
Bref, le retournement de situation à la fin de l'épisode, je le trouve formidable! Et
arrement, bien que je commençais à m'intéresser au personnage d'Ana-Lucia, je trouve que cet assassinat n'est pas malvenu. Il sert totalement l'intrigue. Je le trouve bien plus fort que la mort de Boone. (par exemple).
C'est brutal mais je trouve ça brillant.
Puisque nous parlons de dramaturgie, je ne suis en revanche pas du tout d'accord concernant la comparaison de l'épisode sur Boone (01 X 20).
C'est curieux, je le revoyais récemment et je me disais que le scénario était quasi-parfait. D'une part il bouleverse par un évènement heureux. D'autre part il bouleverse par un évènement tragique. J'avoue avoir pleuré des rivières (mais ne le répète pas).
Cette réussite vient de l'alliance contre-nature des deux thèmes abordés, et pour une séries qui a aussi pour but d'explorer ses personnages, il est assez admirable de voir la succession des évènements se ralentir pour se focaliser ainsi sur certains d'entre eux. L'épisode n'est bien sur pas autarcique, mais il constitue une condensation thématique et temporelle pénible à supporter, et là aussi il y a un talent immense de la scénariste.
D'une certaine manière, on en apprend presque plus sur Boone dans cet épisode que celui concernant son flash-back !
La réalisation est d'ailleurs au diapason. Lente, efficace, inexorable. De même pour l'accompagnement musical, avec le thème final, qui a la solonité des airs qui parlent de choses heureuses comme de choses tristes.
"Compagnons de Déroutes" est donc difficilement comparable. Il est basé sur un effet de surprise total qui suit une logique de relance de la situation. Brutal et brillant, comme tu dis. Mais dans un sens dramaturgique qui sert plus le rebondissement de l'intrigue général que la focalisation sur les personnages.
Comme quoi Lost explore les deux approches avec brio (malgré mes réticences sur Ana-Lucia).
Citation:
Mais oui, je suis d'accord avec toi tonnerre de brest quand tu dis que le personnage aurait gagné à être travaillé d'avantage.
Mais à la force dramaturgique de son assassinat se rajoute une effet de surprise qui démultiplie ladite force dramaturgique!
C'est ça qui est fort: on se dit que ce sont des personnages qui ne peuvent / doivent pas mourir car pas assez travaillés et approfondis. Mais voila, les scénaristes savent très bien qu'on se dit ça!! Ils ne sont pas fous, les bougres...
Effectivement, c'est saisissant, tu as entièrement raison. Mais si on compte les flash-backs d'Ana-Lucia, combien y en a-t-il eu ? Deux. En réalité, un. Celui de "compagnons de déroute" instrumentalise Ana-Lucia au profit de Jack et son père ! Certains personnages ont eu des flash-backs à foison, voire redondants.
Ne penses-tu pas que si Ana-Lucia avait eu un ou deux flash-back de plus, cela aurait rendu cet épisode d'autant plus saisissant et brillant ? Tout en donnant aux scénaristes l'occasion d'approfondir le personnage...
Tu commençais à t'intéresser à son personnage
. Si les scénaristes avaient fait en sorte que tu y sois intéressé depuis longtemps, l'effet aurait été décuplé !
Ce sont pour ces raisons que je parle d' "erreur".
Citation:
En même temps, on reproche aux gens de la série de ne pas faire avancer la série assez, et quand ils prennent des décisions pareilles (mort d'un perso, découvertes surprenantes, etc ...) il y a toujours quelque chose qui ne va pas: c'était trop tôt, c'était mal expliqué, c'était mal amené, ça ne sert pas l'intrigue, j'ai pas compris pourquoi, les autres personnages ne réagissent pas normalement, etc etc etc..
Ce n'est en tout cas pas ce type de reproche que je fais. Comme je t'ai dit, je ne suis pas fan des séries qui avancent par commodité. C'est bien parce que Lost est une série exceptionnelle dans sa construction que je vois dans cet épisode un certain gachis concernant un personnage. C'est d'ailleurs le premier reproche tout court que je poste dans les débats.
Il y a des épisodes plus faibles, des arcs plus ou moins bien gérés (j'avais eu un début de réaction un peu semblable avec Shanon), mais je trouve parfois certaines critiques injustes, précisément parce qu'eles relèvent d'une certaine volonté de commodité du télespectateur. Mais je ne permettrai pas de juger, tant le rapport qu'on entretient avec une série est personnelle.
pascal a écrit:Citation:
Je ne regrette pas la mort d'Ana-Lucia, le personnage était fort mais l'actrice ne m'était pas sympathique, mono-expressive, toujours le même rictus, déjà que je n'aimais pas ses films.
Le jeu des acteurs ou actrices dépend surtout de la qualté scénaristique du personnage et des intrigues qu'on lui écrit, et bien entendu de la direction d'acteur (je parle pour la télé, l'approche est un peu différente au cinéma où le réalisateur est le véritable auteur: mais je n'ai pas vu de films d'elle). Quant à ce qu'ils sont dans la vie, à moins d'être des personnes vraiment détestables, leur art m'intéresse plus.
J'ai découvert M. Rodriguez dans Lost, et c'est présicément son jeu subtil qui m'a intéressé. Déjà, c'est une actrice qui impose une "présence", qui lui permet de phagocyter parfois un plan quand elle s'y trouve. Ca va au-delà du jeu, du physique, c'est une qualité qu'on certains acteurs à accrocher l'image.
Pour le jeu, je ne la trouve pas mono-expressive, au contraire. Le personnage a été écrit pour être renfermé, limite associale, et rejetée par beaucoup. Ce qui explique en effet cette aspect "bloc" inchangeable. Mais à y regarder de plus près, ce mutisme renforce d'autant plus ses légers changemets d'attitude en fonction des circonstances, et il y a beaucoup de subtilité à faire "affleurer" le sentiment à la surface plutôt qu'à le laisser se répandre. Sa façade craquelle souvent (et on peut très bien ne pas y faire attention, c'est justement le jeu), et ça, ça n'est pas simple à jouer, j'imagine.
Quand on voit l'étendue de son registre dans "Les 48 autres jours", il est clair que les scénaristes lui ont donné pour la suite un cahier des charges précis dans son jeu, plus renfermé.
Mais dans "Compagnons de Déroute", quelle performance !
Quand elle découvre Michael dans le bunker et lui explique qu'elle ne peut plus être une personne dans la retenue permanente, le dégout de soi, le sang-froid meurtrier, qu'elle n'en peut plus et qu'elle a changé, elle libère son expressivité et s'avère profondément émouvante.
Les scénaristes n'ont pas placé ce début de chemin de rédemption là par hasard puisqu'il va s'arrêter aussitôt.
J'y vois encore un potentiel de l'actrice non exploitée jusqu'au bout.
Citation:
Les blondes sont en voie de disparition sur cette île , il n'y a plus que Claire mais le personnage comme l'actrice Emilie De Ravin est fade.
Fade ?
Elle illumine la série: si elle n'était pas là, bonjour la noirceur !
Plus sérieusement: c'est là aussi une question de registre: quand on la voit dans "Congé Maternité", elle est tout simplement extraordinaire. Et le reste du temps sa composition est toujours de qualité, du moins c'est mon avis.
Pour conclure:
Cet épisode est dans la continuité de la logique de déliquescence sociale qui détruit de l'intérieur la communauté de l'île.
La saison 1 montrait comment un groupe de personne tentait de constituer une cohésion capable de contrer les menaces étranges de l'île (métaphoriquement de la nature, ce qui est constitutif à toute civilisation). Il y avait certes des séparatismes (les deux camps), l'amorce d'une lutte de pouvoir (Jack VS Locke), mais les naufragés tentaient de recréer du lien social.
Dans la saison 2, tout s'écroule et part en déliquescence: c'est chacun sa peau. Le lien se distend au profit des intérets personnels: la lutte de pouvoir éclate bien entre Jack et Locke, mais aussi avec Sawyer (la possession des armes).
Et certains en viennent à s'entretuer, soit de manière involontaire, soit volontaire. En cela, l'île, par ses manipulations, est bien une fabrique à "monstres". Les Murmures causent le geste d'auto-défense d'Ana-Lucia qui est fatal à Shanon (involontaire). Les Autres obligent Michael à recourrir à des méthodes criminelles (volontaire).
Le manque de confiance et l'orgueil règne: Locke a ainsi trois victimes à son compteur: Boone introduisait cette problématique. Charlie subit les conséquences de l'arrogance à juger du chauve le plus mystique du Pacifique. Ana-Lucia et Lybbie, dans cet épisode, sont aussi des victimes indirectes des largesses qu'il se donne dans ses "autorisations".
Le manque de confiance qui entraîne Kate à soupçonner Ana-Lucia d'avoir dérobé les armes.
Le manque de confiance que subit Charlie pour son statut d'ex-junkie, etc.
Cette épisode est une illustration ultime de la désunification des membres de l'île, puisque l'un d'entre eux est prêt à exécuter ceux qui sont sur son chemin, et à entrainer d'autres dans un piège. En cela, il condense de manière abrupte l'état d'esprit de cette saison.
Hé, les naufragés, va falloir réapprendre la solidarité si vous vous voulez vous en tirez !