Episode 100% insulaire, puisque les flashbacks sont frais d'une semaine tout au plus. Si certains flahsback traditionnels sont pas mal, d'autres sont quand même des freins à l'histoire, alors quand un épisode est affranchi d'un flash continental, nous disposons de plus de temps pour lever le voile sur le mystère Lost.
Les Autres ont établi un campement dans la jungle, sur un nouveau site, ou un vieux selon l'expression de Ben... le site du campement des autochtones avant la purge ? Possible, vu que l'on ne se trouve pas n'importe ou dans la jungle, mais à proximité d'un totem/ d'une ruine issue du passé, reconverti (ou réutilisée dans son rôle originel ?) en autel de sacrifice.
Ben impose une épreuve à Locke, la plus dure de toute pour cet homme de pardon, appliquer un acte de vengeance en tuant son père. Nous avons confirmation que Ben penche assez lourdement vers la tendance fasciste, ou du moins de barbare (au sens "germanique envahissant l'empire romain"), avec aujourd'hui un magnifique exemple "d'œil pour œil, dent pour dent" ou de loi du sang, la justice étant obtenu par vengeance du lésé. Mais de quoi se mêle Ben ? Locke, en victime, ou en termes juridique, parti-civile, ne souhaite pas tuer son père, en tout cas n'y arrive pas. Le crime a été commis sur le continent et ne relève pas de la compétence d'une communauté insulaire autochtone coupée du monde, et il ne semble pas que Cooper ait causé du tord directement aux Autres. Et pourquoi, comme par hasard, en pleine nuit, l'ensemble du village des Autres se retrouve spectateur de la scène d'exécutions ? Après que Locke ait jeté l'éponge, Ben se tourne vers "le peuple", le prend à témoin pour descendre Locke et démontrer à tous qu'il n'est pas un chef, car incapable de se faire respecter. L'objectif de Ben semble donc d'enfoncer Locke, qui par ses liens privilégiés avec l'île s'attire les faveurs du peuple, indigène ou immigré (Cindy et les autres taillies, visiblement intégré de leur grès à la communauté), afin d'écarter l'homme qui érode son pouvoir.
La vision du pouvoir de Ben est donc très primitive, la loi du plus fort, le chef impitoyable, despote prêt à faire couler le sang afin d'imposer son autorité. Tout le contraire de Locke, mais cet échec initial de Locke ne le condamne pas forcément aux yeux du peuple. Les Autres, peuple formant cette communauté insulaire, sont-ils à l'image de leur actuel leader temporel ? Ou sont ils une masse tenue sous l'autorité de Ben par la contrainte de son monopole de la violence ? Là, l'origine du nom de Locke devrait peut être être exploitée. Locke serait, dans la narration comme dans l'histoire des théories politiques, le concurrent d'Hobbes, incarné par Ben. Effectivement, Ben, en définissant le leader comme l'homme capable d'appliquer la violence, rappelle le Léviathan, agglomération des souverainetés fragmentaires de chaque sujet d'un royaume, formant le l'Etat, titulaire du monopole de la violence légitime. L'homme est un loup pour l'homme, la société de nature mène au chaos et à la lutte de chacun poursuivant son intérêt personnel, et le contrat social vu par Hobbes justifie le despotisme de Ben comme canaliseur de la violence et ciment de la vie en société. Locke, notre chauve, représenterait alors Locke, l'auteur, en proposant une vision plus optimiste de la vie en société et du contrat social, vision plus libérale et positive attendue par les sujets de la communauté.
Malheureusement, pour le message véhiculé par la série, nous n'évitons pas l'assassinat de Cooper. Locke n'est pas capable de tuer son père, en a t'il envie ? Ce n'est pas impossible... Et coup de bol issu du toutélié, sur une idée de Richard, conspirateur révolutionnaire prônant l'arrivée d'une ère post-benniènne, quelqu'un sur l'île pourrait liquider Cooper, et permettre à Locke de battre Ben sur son propre terrain. Cooper est Sawyer, l'original, et Sawyer, dit le second, est un allié de choix dans l'application d'un schéma de vengeance. Nous assistons au rapprochement Sawyer/Locke, unis par un passé commun, étant tous les deux victimes des arnaques (lourdes) de Cooper, et là où un Locke n'aura pas la volonté ou le courage de faire payer ses crimes à Cooper, Sawyer va s'en charger. Il faut dire que Cooper, qui n'était pas forcément condamné d'office, n'a pas plaidé sa cause. Sawyer, découvrant l'identité de son interlocuteur dans le Black Rock, veut lui faire lire la lettre, avant tout... peut être pas le tuer, malgré toutes ses déclarations passées. Il a déjà tué un innocent et cela lui pèse, il a démontré à plusieurs reprises qu'il n'était pas un tueur/salaud/"unforgivable" (à l'image du film éponyme d'Eastwood), mais une victime à la recherche de son passé. Peut être que face à un Cooper plus humble et demandant pardon, il n'aurait pas appliqué sa vengeance jusqu'au bout, mais ultime crime d'une violence inouïe pour Sawyer, Cooper ne lit pas la lettre jusqu'au bout, ricane de son contenu enfantin et l'arrache. On ne pouvait faire pire affront à Sawyer, qui devient une bête et étrangle brutalement Cooper.
Locke a donc son sacrifié à rapporter à Ben, il n'est pas plus dérangé que ça par l'exécution de son père, mais semble plus courir après la découverte des secrets de l'île qu'après un primaire instinct de revanche. La mort de Cooper était la seule clef dont Locke disposait pour forcer la porte "Ben", seul obstacle le séparant du savoir de l'île. Cooper est un nouveau sacrifice, probablement moins difficile à endurer que celui de Boone pour Locke, mais sa mort était un moyen de débloquer sa quête de connaissance, nullement son objectif ultime.
Sur la plage, j'aime bien l'ostracisassions dont fait l'objet Jack. Il devient vecteur de regroupement d'une cinquième colonne au sein des naufragés, qui, un peu parallèlement aux Autres, commencent à se dire qu'ils n'ont pas choisi le bon chef, et que ce dernier accapare trop les pouvoir et s'est coupé des désirs de son groupe. Jack a une idée derrière la tête avec Juliet, il ne doit pas être un traitre au groupe, mais il donne l'apparence de l'être, et se sentant le chef omniscient de celui ci, ne croit pas bon de faire amende auprès de ces troupes, d'exposer clairement son plan et de le soumettre à l'approbation de l'assemblée. Résultat, une révolution, encore une, menée par des cadres, comme Desmond ou Sayid. Seule Kate reste fidèle à Jack, aveuglement, mais elle est particulièrement atteinte, elle court après Jack après l'avoir jeté dans les bras de Juliet, et met en péril lla survie du groupe organisée par Desmond en balançant le secret qu'on lui a confié au chef déchu, sous prétexte qu'il est son amoureux et qu'elle pourrait se faire bien voir en lui renouvelant sa confiance.
Je ne suis pas fan de Jack, qui ne voulait soit-disant pas du pouvoir au début de la série mais le concentre désormais avec avidité et renâcle tout partage. Il est bon que le vent du changement souffle chez les naufragés, car au delà du charisme des personnages impliqués dans cette révolution, on y ressent l'arrivée d'une future démocratie.
Episode intense, surtout pour Locke et Sawyer, mais l'épisode suivant est, du point de vue mystique, un cran au dessus