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C‘est sûr que Michael Scofield avec douze kilos de trop, un double menton naissant et une pointe de brioche qu’il dissimule tant bien que mal sous une chemise en jean, ce n’est plus vraiment Michael Scofield. Heureusement qu’il a réussi à s’évader de Fox River parce que le T-shirt blanc ajusté de taulard, ça ne l’aurait pas fait avec sa nouvelle silhouette estampillée burritos. “Pretty”, comme l’appelait T-Bag, n’a plus la gueule d’un ange rédempteur volant au secours de son aîné, victime d’une machination qui remontait jusqu’aux bureaux de la Maison Blanche.
D’un autre côté, on ne peut pas vraiment s’étonner que Wentworth Miller se mette à faire du gras. Il est juste à l’image d’une série qui s’est épaissie, alourdie et a pris l’élégance d’un pachyderme engagé dans un sprint. Celui qui doit lui éviter une fin prématurée alors que les chiffres d’audience ont été presque divisés par deux: la moyenne est de 5,73 millions par semaine sur les 12 premiers épisodes contre près de 10 millions en saison 1.
La saison 3 de Prison Break avait donné le sentiment d’une mouche prisonnière dans un verre, un insecte tournant sur lui-même à la recherche d’une issue impossible. La prison de Sona était tout sauf une bonne idée. Une espèce d’aveu d’impuissance. Une imagination victime de son succès mondial et qui ne parvient pas à se renouveler, une imagination qui ne sait pas à dire “stop” et n’ose pas demander qu’on lui laisse le temps de se reposer. Cela faisait penser à ces auteurs qui connaissent une brusque reconnaissance populaire et que l’on enchaîne à leur table de travail pour qu’année après année, ils continuent de fournir le livre que leur éditeur pense attendu, sans se rendre compte que l’absence serait plus judicieuse et de nature à exacerber l’impatience des lecteurs. Occuper le terrain pour occuper le terrain n’est pas toujours une bonne stratégie.
On avait eu l’espoir que la grève des scénaristes pouvait donner ce temps de réflexion nécessaire, fournir une pause salutaire afin de tout remettre à plat. Il n’en a rien été. La résurrection de Sara Tancredi est une bourde supplémentaire à deux titres: d’abord, elle provoque un agacement par son invraisemblance, ensuite, elle prive l’histoire du ressort de la vengeance qui aurait pu être exploité pendant quelques épisodes. Sans compter que la présence de Sarah Wayne Callis n’apporte strictement rien. La jeune femme se touve noyée au milieu d’une cohorte d’hommes tous réunis du même côté de la barrière.
Là encore, le scénario ne fonctionne plus. Brad Bellick est un mâton, son rôle est de s’opposer à Scofield, pas de lui servir d’homme de main. Alexander Mahone est un chien de chasse, pas un misérable roquet qui ne parvient plus à aboyer. Quant à Sucre, il est devenu tellement servile qu’on a l’impression que c’est l’homme de ménage, passé clandestinement aux Etats-Unis pour échapper à la misère de son pays. Même Lincoln Burrows ne présente plus aucun intérêt. Fini le héros paumé, éprouvant de vagues remords en même temps qu’une reconnaissance éternelle pour le sacrifice de son cadet.
Il ne reste plus que Scofield, et là, ses intuitions géniales ont, elles aussi, pris quelques bourrelets superflus. Si l’on était méchant, on dirait qu’il réfléchit “gras”, mais nous ne sommes pas méchants, donc on ne dira pas ça. Toujours est-il que le personnage est prisonnier d’une gangue adipeuse qui lui a fait perdre toute son originalité et son attrait.
En fait, tout ce passe comme si les épisodes étaient rédigés d’une semaine sur l’autre et qu’à la réunion hebdomadaire de “brain-storming”, on se demandait: “bon, quelques rebondissements on prévoit aujourd’hui ?” Il faut creuser un tunnel (attention à l’originalité) pour aller récupérer Scylla ? Okay, on se fait ça rapidement en deux épisodes et on noie Bellick du même coup, cela fera un héros supplémentaire au champ d’honneur. Il faut ramener le général dans le jeu parce qu’on l’a beaucoup vu pendant les premiers épisodes ? Okay, on introduit un ancien de la Compagnie qui veut se venger et on organise une réconciliation avec Scofield. Maintenant, ils ont des intérêts communs.
Cela est d’autant plus dommage et décevant que Prison Break est, à l’origine, une excellente idée. La saison 1, malgré des réserves que l’on pourrait émettre, notamment dans la description du monde carcéral, repose sur une histoire cohérente. Peu importait que cela ne fut pas réaliste ou toujours crédible. Ce n’est pas ce qu’on demande à une série. Il ne s’agissait pas d’un documenaire. Même la saison 2 présentait un intérêt. Mais, c’est sans doute parce que j’ai toujours aimé les cavales, les poursuites qui aboutissent invariablement à une fuite en avant du chasseur et de sa proie.
A voir les acteurs se débattre ainsi, on en a presque mal pour eux. On a envie que cela s’arrête. Etre un acteur de fiction, c’est un métier et cela exige des sacrifices qui passent par l’entretien de son apparence physique. Pour l’anecdote, les acteurs de Generation Kill ont suivi des stages d’entraînement et de mise en condition pour avoir l’air de véritables Marines. Le résultat était criant de vérité. Vouloir tenir le premier rôle quand on est engoncé dans son tour de taille, c’est plus qu’une faute de goût, c’est presque un manque de conscience professionnelle.
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Edit Benelie: N'oubliez pas de citer vos sources!