Lou a écrit:
Oui, ce n'était pas forcément un personnage très aimable. Mais j'ai aimé ce qu'elle a apporté à la série, elle avait ce côté justement très sombre, elle était désespérée, blessée, et du coup très rude et sans concessions.
Je la trouvais intéressante, notamment dans son rapport aux autres.
J'ai beaucoup aimé ce personnage, et je me rappelle avoir à l'époque crier ma colère dans le forum...
Beaucoup de gens lui ont reproché un jeu peu varié, et une certain manque d'amabilité. Là, je crois que les camps se divisent en deux !
D'emblée, dans l'épisode "
Les Autres 48 Jours", un des épisodes-phares de la série, que je classe parmis les meilleurs, elle s'impose avec une présence remarquable. Son comportement entreprenant lors du crash des tailies, et sa façon de protéger les autres en prenant un ascendant "naturel" en font bien l'équivalent de Jack, de l'autre côté de l'île. Leur rencontre finale n'est-elle pas la rencontre de deux chefs ? Le plan est très bien filmé: face à face, de profil, aux extrémités opposées du plan.
Ce qui la rend éminemment sympathique, c'est son souhait de retrouver les enfants: c'est probablement le personnage qui en parle le plus.
Il n'est probablement pas facile de jouer un personnage qui lui-même est marqué par un mutisme de surface, sous les profondeurs duquel s'agitent, comme le dit Lou, désespoir, souffrance, blessures.
Aussi l'autoritarisme du personnage, dans "
Les Autres 48 Jours", se craquelle comme un vernis, laissant place à de brusques irruptions de violence (l'intransigeance avec Nathan, la façon de régler le compte de Goodwin) ou de pleurs exutoires (quand lorsque près de la rivière Eko accepte de parler, comme elle peut accepter de pleurer enfin, après leurs 40 jours de combat pour la survie et de Pénitence).
Elle joue aussi parfaitement les confrontations dialectiques. Le dialogue avec Goodwin est une merveille d'écriture de la part des scénaristes, de réalisation, et d'interprétation. On la voit venir avec subtilité, ménageant ses effets, flirtant avec le danger (son regard lors de l'échange du couteau), jusqu'à lui arracher la vérité.
Son comportement extrème lors de la confrontation avec Sayid, où les deux interprètes se renvoient un dialogue taillé sur mesure, proche de la folie (ou d'une trop grande intelligence devant l'idée de la vengeance), est remarquablement joué.
Ne parlons pas de sa Rédemption. Une rédemption qui lui est presque interdite, tant Michael la pousse à la remplacer. Mais dans le temps de sa présence, elle a changé, accomplit une trajectoire.
Encore une fois, Ana-Lucia est un personnage plus souriant et plus aimable qu'elle en a l'air. Peut-être est-ce parce qu'elle sourit peu que chacun de ses sourires prend une dimension particulière car elle se métamorphose complètement. La rareté et le manque d'ostentation rendent plus agréable chacun de ces moments où une Ana-Lucia que l'on devine ironique, complice et moqueuse se révèle. Mais là encore, tout en finesse et en discrétion.
Quand elle apparaît à Eko, elle a une façon de regarder vers le ciel charmante, rieuse, le temps d'un regard, d'un dialogue enjoué. Juste avant que la réalité de son sort ne transparaisse dans un plan horrible. Comme une manière de dire que la Rédemption et la "libération" d'Ana-Lucia se sont accomplies sous le forme d'une tragédie.
C'est donc un personnage plus varié qu'on veut bien l'admettre: le problème étant que les scénaristes ont assez mal géré le potentiel du personnage. De plus, le souhait de M. Rodriguez de ne faire qu'une saison et ses problèmes éthyliques n'ont pas arrangé sa situation.
J'aimerais bien qu'on la revoit un jour via un flash-back. Ce pourrait compléter les parties manquantes à la construction finale du personnage. Vu que les flash-backs permettent à n'importe qui de réaparraître (non sans un triste saisissement parfois), et de façon de plus en plus multiple et mélangé dans un seul épisode, ça serait franchement une bonne surprise.